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Opposabilité de la documentation prix de transfert. Oui, mais à partir de quand ?!

La loi de finances pour 2024 a acté le durcissement déjà observable sur le terrain en matière de prix de transfert, en renforçant le dispositif documentaire pesant sur les entreprises. Outre l’abaissement des seuils d’assujettissement, la documentation devient formellement opposable aux entreprises. Ainsi, afin de responsabiliser les entreprises sur la documentation qu’elles produisent et renforcer l’efficacité des contrôles fiscaux, l’article 116 de la loi de finances pour 2024 a complété l’article 57 et a conféré à la documentation relative aux prix de transfert un caractère opposable pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2024.

Mais faut-il alors comprendre que les documentations couvrant les exercices ouverts à partir du 1er janvier 2024 seront désormais opposables ; ou que toute documentation produite à compter de cette date, indépendamment de l’exercice qu’elle couvre, le seront ?

Si la loi ne tranche pas le sujet, il nous semble cependant assez certain que l’évènement à prendre en compte n’est pas l’exercice, mais le devoir de communication. Ainsi, toute documentation, même portant sur un exercice passé, voire ancien, serait désormais opposable à l’entreprise, dès lors qu’elle est produite au fisc après le 1er janvier. Ainsi, dans le cadre d’une vérification de comptabilité, en cas de divergence entre la politique de prix déclarée par l’entreprise et celle qu’elle pratique effectivement, l’écart entre le résultat constaté et le montant qu’il aurait atteint si cette documentation avait été respectée est désormais présumé constituer un transfert indirect de bénéfices, que l’administration peut réintégrer même pour le passé.

A l’appui de cette position, il faut considérer que cette mesure ne crée pas une obligation nouvelle dans le chef du contribuable, mais vient plutôt en préciser la portée. Elle échappe donc aux règles de non-rétroactivité de la loi fiscale. Surtout, le juge de l’impôt avait déjà tranché la question, en s’appuyant sur le contenu de la documentation produite lors des opérations de contrôle pour estimer la validité des rectifications opérées par l’administration. Dans deux affaires récentes soumises à la sagacité de la Cour administrative d’appel, le juge renvoie à des passages de la documentation prix de transfert du contribuable pour apprécier la bonne application de la méthode de rémunération pratiquée. Ainsi, dans l’affaire Sumitomo, la CAA de Lyon relève que la méthode de marge nette, qui pourtant figure dans la documentation, n’a pas été appliquée dans les faits (n° 21LY02821). Dans l’arrêt Itron, la CAA de Paris s’appuie sur l’explication produite par le rapport documentaire au titre des ajustements de prix de transfert pour discréditer l’interprétation qu’en a fait l’administration (n° 21PA04452). Dans ces deux affaires donc, c’est le contenu de la documentation qui a orienté les débats et fait naître une obligation dans le chef du contribuable. Avant même que l’opposabilité ne soit conférée par la loi de finances, la pratique l’avait donc déjà consacré.

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