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L’importance de la chaîne de valeur dans l’analyse prix de transfert

Le Conseil d’Etat a donné raison à la société Amycel dans un litige l’opposant à l’administration fiscale française. Cette affaire, qui portait sur des questions de prix de transfert et du décalage de prix de vente observés par le fisc pour des mêmes produits vis-à-vis de sociétés sœurs et de sociétés non liées, rappelle l’impérieuse nécessité de procéder à une analyse comparative fine des transactions et des conditions économiques entourant celles-ci.

Le contexte de l’affaire

L’affaire concerne la société Amycel France, filiale du groupe américain Monterey spécialisée dans la production et la commercialisation de mycélium. L’administration fiscale avait réintégré dans les résultats de la société, pour les exercices 1998 à 2001, des sommes considérées comme des bénéfices indirectement transférés à des sociétés étrangères du même groupe, en application de l’article 57 du CGI . A cette fin, le fisc relevait que pour des mêmes produits, la société pratiquait des tarifs plus bas vis-à-vis de ses sociétés sœurs établies aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, qu’à l’égard de ses clients tiers en France et ailleurs.

Le parcours judiciaire

Après une succession d’échecs devant le TA d’Orléans et la CAA de Nantes, Amycel a saisi le Conseil d’Etat. Celui-ci a non seulement annulé l’arrêt de la CAA pour insuffisance de motivation, mais a également statué en faveur de la société sur le fond de l’affaire.

Les arguments décisifs

Le Conseil d’Etat a souligné que l’administration fiscale avait correctement établi que les prix pratiqués par Amycel France envers ses sociétés sœurs étaient inférieurs à ceux facturés à ses autres clients. Cependant, le juge de l’impôt accueille l’argument de la société laquelle critiquait le fait que ni l’administration, ni la CAA n’aient examiné si les clients indépendants auxquels Amycel vendait ses produits à un prix supérieur étaient placés dans une situation économique similaire à celle de ses sociétés sœurs. Cette différence de situation était en effet de nature à influencer le prix pratiqué en raison non seulement de la combinaison des fonctions et des risques portés par les sociétés sœurs et les clients tiers, mais aussi leur place dans une chaîne de valeur globale.

Les implications de la décision

Cette décision est précieuse, car elle rappelle qu’en présence d’une transaction rémunérée (c’est-à-dire, non réalisée à titre gratuit), la démonstration d’une anomalie par l’administration fiscale doit nécessairement passer par la mise en lumière d’un avantage par comparaison.
Or, outre la revue des fonctions, risques et actifs des parties à la transaction (l’analyse fonctionnelle), cette analyse comparative doit impérativement passer par l’étude des circonstances économiques de la transaction, ainsi que la stratégie économique des parties. En l’espèce les tiers auxquels Amycel vendait ses produits étaient des consommateurs finaux, alors que ses sociétés sœurs étaient des grossistes, donc positionnées à une autre étape de la chaîne de valeur. Ce positionnement expliquait très certainement le différentiel de prix, pour leur permettre de dégager leur propre marge lors de la revente aux consommateurs sur leurs marchés.

Pour les groupes internationaux, cette décision rappelle en outre l’importance de documenter soigneusement leurs politiques de prix de transfert et de délais de paiement, en prenant en compte les spécificités de leur secteur d’activité.

R&D en France : Le Tournant Fiscal de Rigueur

Sous couvert d’assainissement budgétaire, la Commission des finances du Sénat propose une réduction drastique des dispositifs fiscaux favorables à l’innovation, fragilisant potentiellement encore un peu plus la compétitivité française.

🚨 Les Coups de Rabot Fiscaux

Pour l’heure, la proposition maintient le Crédit Impôt Recherche (CIR) malgré les critiques et attaques dont il fait l’objet tous les ans à l’approche des lois de finance. Ce dispositif est cependant rogné chaque année un peu davantage.

    • – Coup Dur pour la Recherche : Suppression du dispositif « jeunes docteurs », risquant ainsi de décourager le recrutement des talents scientifiques
    • – Restriction Budgétaire : Exclusion de certaines dépenses comme la veille technologique et les frais de brevets, conduisant mécaniquement à réduire l’assiette éligible au CIR.
    • – Marginalisation de l’Innovation : Réduction des frais de fonctionnement forfaitaires (de 43% à 40%).

 

💢 Un Coup Porté à l’Écosystème Innovant

Sitôt né, sitôt découragé ! Le régime de faveur visé à l’article 238 du CGI, communément (et faussement) appelé l’IP Box n’a même pas eu le temps de passer les fourches caudines de la jurisprudence, faute d’antériorité, que déjà il est réformé. La commission propose ainsi d’augmenter le taux d’imposition sur les actifs visés (principalement les brevets et les logiciels), passant de 10% à 15%, retrouvant ainsi son taux historique lorsque l’IS était encore à 33,33%.
Rappelons que la réduction du taux d’imposition pour ces actifs entendait non seulement s’aligner sur les pratiques des autres Etats, mais aussi marquer un décalage attractif par rapport au taux d’IS de droit commun. Le relèvement de ce taux de faveur ne serait-il pas une prémisse à la remontée de l’IS ?

🔍 Analyse Critique

Après le Gouvernement, c’est au tour du Sénat d’aborder le virage fiscal au détriment de l’innovation, des investissements étrangers, et de la stabilité des affaires. Derrière un habillage technique se cache une logique purement budgétaire qui risque de fragiliser l’attractivité de la France en matière d’innovation.