Une analyse fonctionnelle adéquate et étayée, permettant d’apprécier avec précision la nature des fonctions, risques et actifs des parties à une transaction intragroupe, et leur intensité dans la chaîne de valeur et l’activité du groupe, est et restera toujours la clé de voûte de toute démonstration en matière de prix de transfert.
De la qualification fonctionnelle qui en résulte dépend en effet la sélection de la méthode de prix de transfert la plus appropriée, et partant, la répartition des grandes masses de valeur entre les parties et leur capacité respective à subir la volatilité du marché et des pertes à plus ou moins long terme.
L’évidence, qui relève désormais presque d’une lapalissade, a pourtant encore été rappelée par le juge de l’impôt dans l’affaire Engie.
Au cas d’espèce, l’administration contestait la méthode appliquée au sein du groupe (coût majoré, ou Cost Plus) au titre de contrats dits « single voice » qui regroupaient différents services rendus aux filiales aux Etats Unis et Luxembourg. Considérant que la société française endossait un rôle non pas de simple prestataire (ou de « courtier » dans l’arrêt), mais « une fonction stratégique », détenant « des actifs incorporels de valeur unique », l’administration lui a substitué la méthode dite « de partage des bénéfices » (ou profit split). Cette substitution conduisait mécaniquement à décaler de la rentabilité jusqu’alors captée par les filiales vers la société française, qui alors se trouvait rémunérée à l’aune du contrat global et non plus ses coûts engagés.
A l’issue d’une analyse fine des rôles des parties et de leur importance, la CAA de Paris conclut au rejet de la caractérisation opérée par l’administration et annule l’arrêt rendu en première instance.
L’analyse fonctionnelle a en effet mis en lumière que la société française ne mobilisait aucune fonction stratégique et que les filiales restaient les décisionnaires finales pour toutes les transactions.
L’arrêt rappelle l’impérieuse nécessité de décrire précisément les rôles des parties à l’aune de la chaîne de valeur dans laquelle ils s’inscrivent et l’importance de matérialiser ceux-ci par les ressources déployées en internes (substance permettant d’endosser les fonctions et de contrôler les risques inhérents).
CAA Paris 27 juin 2024 n°21PA01277