Cara Avocats

Déductibilité des intérêts intragroupes : La preuve s’assouplit et se précise !

LES FAITS

A la suite d’une vérification de comptabilité de la société GEII Rivoli Holding au titre des exercices clos en 2013 et 2014, l’administration fiscale a remis en cause la déductibilité de la différence entre le taux pratiqué de 5,08% et celui de 2,79 % correspondant à la valeur mentionnée au 3° du 1 de l’article 39 du CGI.
Lors des phases contentieuses, la société a produit une première analyse identifiant à partir de l’outil RiskCalc développé par l’agence Moody’s, la note de risque qui aurait pu lui être attribuée, ainsi qu’ intervalle de taux établi par référence à ceux obtenus par quinze sociétés non financières, appartenant à des secteurs d’activité hétérogènes.
Une seconde analyse corroborative a été produite devant la CAA de Paris et fondée sur le calcul de deux ratios financiers, dont l’un, dit  » loan to value  » (LTV), adossée à des données relatives au marché obligataire issues de la base de données financières Standard et Poor’s Capital IQ.

LA RÈGLE

Un courant jurisprudentiel construit autour des années 2020 a redessiné les contours de la preuve en matière de déductibilité des taux pratiqués à l’égard d’associés majoritaires.
Spécifiquement, l’entreprise emprunteuse peut notamment s’appuyer sur les taux d’emprunts bancaires accordés, dans des conditions de pleine concurrence, à des sociétés relevant comme elle du secteur non financier, ayant obtenu des notes de crédit voisines de celle qui peut être déterminée pour elle, alors même que ces autres sociétés appartiendraient à des secteurs d’activité hétérogènes.
L’entreprise emprunteuse peut également tenir compte du rendement d’emprunts obligataires émanant d’entreprises se trouvant dans des conditions économiques comparables, lorsque ces emprunts constituent, dans l’hypothèse considérée, une alternative réaliste à un prêt intragroupe.

LES JUGES DU FOND

Le TAA de Paris en 2021, puis la CAA de Paris en 2022 ont rejeté les prétentions de la société et confirmé les rectifications opérées.
En premier lieu, les juges relèvent que pour justifier que le taux de 5,08 % servi à sa société mère, la société GEII Rivoli Holding a produit un rapport identifiant à partir de l’outil RiskCalc développé par l’agence Moody’s, la note de risque qui aurait pu lui être attribuée, soit Baa1. Or, cette note de risque avait été obtenue sans renseigner le secteur d’activité de la société requérante dans l’outil RiskCalc. Ainsi, la CAA a pu, sans entacher son arrêt d’erreur de droit, écarter pour ce motif cette méthode comme non probante dès lors qu’une telle circonstance conduisait à ne pas tenir compte de la situation économique particulière de la société.
En second lieu, pour écarter la méthode corroborative proposée par la société, la CAA a considéré que celle-ci ne justifiait pas qu’un emprunt obligataire aurait constitué, pour elle, une alternative réaliste à un prêt intragroupe.
Enfin, la CAA estime qu’il ne lui avait été fourni aucun comparable précisément identifié dont elle aurait été en mesure d’apprécier la pertinence.

LA SOLUTION DU CONSEIL D’ÉTAT

Le CE a accueilli positivement le premier argument des juges du fond, considérant à juste titre que le secteur d’activité de l’entreprise constitue un paramètre important devant être pris en compte lors du calcul de la note de crédit sur l’outil RiskCalc.
Cependant, il écarte le reste des arguments, validant ainsi la démonstration économique et statistique de la société. Plus précisément, le CE souligne :
– « La taille d’une société n’est pas à elle seule de nature à faire obstacle à l’accès à ce marché et que le caractère réaliste, pour une société ayant recours à un prêt intragroupe, de l’hypothèse alternative d’un emprunt obligataire ne s’apprécie qu’au regard des caractéristiques propres de cette société et de l’opération, les taux constatés sur ce marché devant le cas échéant être ajustés ».
– « Le taux de pleine concurrence avancé par la société comme correspondant à son niveau de risque reposait sur l’exploitation de courbes de taux établies sur la base de l’ensemble des transactions recensées, pour des emprunts de même durée contractés par des sociétés de même profil de risque, et qu’il n’était pas argué que le recensement des transactions figurant dans cette base n’était pas fiable ».

NOTRE ANALYSE

L’OUTIL RISKCALC EST UTILE, MAIS PAS TOUT PUISSANT

Développé par l’agence Moody’s, l’outil RiskCalc a acquis sa légitimité auprès du juge de l’impôt depuis l’arrêt Studialis de la CAA de Paris en 2020 (n°18PA01026).
Cet outil permet en effet de déterminer la note de risque d’un emprunteur, qui constitue la première étape essentielle dans la démonstration d’un niveau de pleine concurrence d’un taux pratiqué à l’égard d’associé majoritaires. Cependant, cet outil requiert une analyse fine des paramètres intrinsèques de cet emprunteur, tant quantitatifs que qualitatifs, au titre desquels figure notamment le secteur d’activité.
Ce dernier indicateur influence en effet grandement les perspectives de croissance, de rentabilité, et donc de risque, passées et futures, des acteurs composant un marché donné. A défaut d’avoir renseigné ce critère essentiel, l’analyse produite initialement ne pouvait être pertinente ou complète, car elle méconnait alors nécessairement la situation économique de la société.
Il est toutefois intéressant de noter que ni la contemporanéité de l’analyse, ni la pertinence des outils cités n’ont été discuté, validant ainsi et sans doute définitivement le courant prétorien amorcé par les arrêts Studialis précité, BSA de la CAA de Versailles (n°20VE03249), et Willink du Conseil d’Etat (n° 446669).
Surtout, on retiendra de l’arrêt que la démonstration ayant finalement emporté l’adhésion du Conseil d’Etat repose sur un ratio financier alternatif dit  » loan to value  » (LTV), qui rapporte le niveau d’endettement à la valeur des actifs immobiliers de la société. Cet indicateur conduisait en l’espèce à estimer, par comparaison avec les ratios de sociétés foncières françaises et européennes cotées, que la notation financière qu’elle aurait pu obtenir n’aurait pas dépassé BBB, soit une sphère proche de celle proposée initialement par RiskCalc.
Au cas d’espèce, le ratio LTV avait été calculé en tenant compte d’une dette financière correspondant exclusivement à l’emprunt dont il convenait d’apprécier le taux. On aurait pu alors penser que le calcul était vicié, car circulaire. Mais en se concentrant sur l’emprunt principal (dont l’objet et le montant n’étaient pas contestés), sans prendre en compte les intérêts (dont le taux était au centre des débats), le ratio était en effet pertinent et valable.

LA CONSÉCRATION DU MARCHÉ OBLIGATAIRE

Dans son Avis Wheelabrator de Juillet 2019, le Conseil d’etat avait ouvert la voie à une approche pragmatique, alignée avec la pratique OCDE, de la démonstration par le contribuable du caractère de « pleine concurrence » d’un taux d’intérêt pratiqué dans le cadre d’un financement intragroupe, permettant notamment l’utilisation de référentiels obligataires.
Cependant cet avis, de même que les décisions qui ont suivi, semblaient contenir une réserve, en conditionnant la référence au marché obligataire à la démonstration que « ces emprunts constituent, dans l’hypothèse considérée, une alternative réaliste à un prêt intragroupe ». En d’autres mots, le contribuable semblait devoir pouvoir apporter la preuve que l’émission d’obligations constituait pour lui une option réaliste et alternative au recours à un emprunt classique auprès d’une banque ou d’un établissement de crédit.
Dans son considérant n°10, le CE semble néanmoins renforcer la charge de la preuve dans le chef de l’administration. Le juge considère en effet que « le caractère réaliste, pour une société ayant recours à un prêt intragroupe, de l’hypothèse alternative d’un emprunt obligataire ne s’apprécie qu’au regard des caractéristiques propres de cette société et de l’opération, les taux constatés sur ce marché devant le cas échéant être ajustés pour tenir compte des spécificités de la société en cause ». Pour écarter la référence au marché obligataire, il semble alors que l’administration doive démontrer que compte tenu de ses paramètres propres et intrinsèques, cette option serait dépourvue d’objet, ou non adéquate.
Il nous semble que cette preuve relève de l’impossible.

LES BENCHMARKS POUR TOUS?

Si l’analyse économique en deux temps semble désormais bien reconnue par le juge de l’impôt, tant dans sa composante de calcul de risque de crédit que de recherche de comparables sur des marchés obligataires, on rappellera que cette démarche ne vaut que si le prêteur est associé majoritaire au sens de l’article 212-I. Les associés minoritaires ne peuvent se prévaloir de cette analyse pour justifier d’un taux différent de celui visé à l’article 39-1-3 du CGI (voir notamment CAA Versailles, Sté Financière Lilas, n°19VE00546). Ce courant renforce donc un peu plus la différence de traitement entre contribuables.

France v/s. SAS Itron France January 2024

Facts, Procedures, and the Decision

STATEMENT OF FACTS

SAS Itron France (“Taxpayer”) (a manufacturer and distributor of water, electricity and gas meters) was the subject of a tax audit for the financial years 2012 and 2013, which resulted in an assessment. The tax authorities (“TA”) considered that the transfer pricing applied by the group had resulted in an understatement of taxable income in France and a transfer of profits to a Hong Kong-based distributor of the group. An appeal was filed by SAS Itron France and in a ruling handed down on 2 December 2021, the Administrative Court annulled the assessment. The TA filed an appeal against this ruling. The Administrative Court of Appeal dismissed the appeal and decided in favor of SAS Itron France. The TA concluded that the Taxpayer had granted an unfair advantage to its related party distributor within the meaning of Article 57 of the French Tax procedure Code.

ARGUMENTS OF THE TAX ADMINISTRATION

The Taxpayer is a manufacturer as well as a distributor of water, electricity, and gas, therefore it is in a situation of mutual dependence with its Group entities. The TA tested the Taxpayer’s relations as a producer with group distributors and followed a “profit-sharing” method. It further functionally analyzed the Taxpayer and then attributed the following distribution margin between the manufacturer and the distributors :
(i) 53% and 47% for “gas” product line respectively;
and
(ii) 51% and 49% for water and electricity respectively.
The TA stated that the Taxpayer’s profit as a manufacturer was insufficient in relation to the overall margins determined by the TA (i.e., 53% and 51%)

THE DECISION

The Court rejected the adjustment sought by the TA in terms of the group’s transfer pricing policy as such adjustment can only be warranted in the event of a significant differences between the transfer price resulting from this method and the economic reality, such adjustments are provided for only in exceptional circumstances and under a procedure that derogates from the “cost-plus” method. The Court observed that the TA failed to demonstrate whether any special circumstances arose during the period of assessment (FY2012 and FY2013) which could justify the adjustment. The Court ultimately stated that the TA had failed to interpret tax law as they could not establish any consistency to their allegations. The case was therefore dismissed in the final appeal.

CARA ANALYSIS

BREAK DOWN OF THE DECISION

On one hand, the Court gave consideration to the Taxpayer’s claim that in order to reconstitute the transfer prices between SAS Itron France as a manufacturer and its related party distributors, the TA used the margin of the distributing entities after deducting the sale price of SAS Itron France’s products, without taking into account the distributor’s own operating expenses (such as cost of discounting ; commissions paid to agents; rebates and discounts; product shipping costs; insurance costs incurred in transporting products; customs duties; product packaging costs), even though these expenses contribute to the distributors’ share of the Group’s net margin to which they should be entitled.
On the other hand, the TA deducted their direct expenses from the margin of the manufacturing entities, including SAS Itron France, to which the gross margin rates mentioned in the previous point apply under the cost-plus method.
Without calling into question the parameters used by SAS Itron France to determine its transfer prices as a producer (costs used and margin rates mentioned) determined within an arm’s length interval), the TA had carried out a comparison of heterogeneous margins, gross for the distributing entities and net for the producing entities. Moreover, for an adjustment to be applied, three conditions must be met:

  • existence of new markets or invitations to tender;
  • existence of a turnover exceeding 10% of the distributor’s revenue;
  • existence of a variation in the distributor’s turnover of at least 500,000
    euros.

The Court observed that the TA failed to demonstrate the existence of the above elements.

THE CONCLUSION

At CARA we always stress on the importance of really understanding the functions and risks undertaken by the parties to a given controlled transaction, as it is extremely crucial not only in determining the range but also in applying the correct methods and profit level indicators (PLIs) to derive the range. This decision of the Court is a case in point for the same.
Different methods and PLIs test different functions of the tested party, especially when the tested party has dual profiles. Therefore, one must be sure to test the correct profile (for e.g., distributor or manufacturer) and the risks associated with that profile, as demonstrated by this case law.
Moreover, experience has shown us that the application of most methods will be imperfect, even, for example, by applying the CUP method which bases itself on very precise internal and/or external comparables. The reason for the same is that
(i) comparable data available for testing such method may certainly not take into account the various risks undertaken by the parties; or
(ii) it may not reflect the economic reality at a given period of time.

However, we may conclude that clear and cogent functional and risk characterization is key in determining a relevant interquartile range, and is therefore, THE antidote to tax assessments.

La pénalité de 10% pour déclaration tardive de RAS doit-elle être automatique?

CAA Lyon, 5ème ch. 21/12/2023; n°21LY02821; Sumitomo
Chemicals Europe

LES FAITS

A la suite d’une vérification de comptabilité de la société Sumitomo Chemicals Europe (SCAE), l’administration fiscale a considéré que les transactions intragroupes dans lesquelles celle-ci était impliquée ne respectaient pas le principe de pleine concurrence. Les avantages ainsi concédés ont été classiquement qualifié de « revenus réputés distribués », ce qui compte tenu des conventions fiscales applicables, donnent lieu à une retenue à la source. Dans la mesure où la société n’a évidemment pas déclaré cette retenue à la source, dont l’existence n’a été mise en lumière qu’à l’issue de la rectification, la pénalité de l’article 1728 du CGI.

LA RÈGLE

Pour rappel, dès lors qu’une rectification sur le terrain de l’article 57 du CGI est opérée par le service, celui-ci considère qu’un transfert indirect de bénéfice a eu lieu, qui doit alors suivre le traitement des distributions de dividendes. Une retenue à la source est alors prélevée, en plus de l’impôt sur les sociétés, et dont le taux est calculé par référence à la convention fiscale applicable au cas d’espèce. Il s’agit là d’une conséquence collatérale des rectifications en matière de prix de transfert, qui a à de nombreuses reprises été validée par le juge de l’impôt et que nous ne discuterons pas ici.
La pénalité visée à l’article 1728 du CGI sanctionne le défaut de production dans les délais prescrits d’une déclaration ou d’un acte comportant l’indication d’éléments à retenir pour l’assiette ou la liquidation de l’impôt. Cette pénalité, exprimée en pourcentage du montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l’acte déposé tardivement, est égale à 10% en l’absence de mise en demeure, ce qui est le cas à l’issue d’une rectification mettant en lumière un revenu réputé distribué.

LA POSITION DES JUGES

Le TAA de Lyon en 2021, avançait dans son considérant numéro 20 « En se bornant à faire état du caractère non volontaire de cette omission et de son droit à l’erreur, la société requérante ne conteste pas utilement le bien-fondé des pénalités ainsi mises à sa charge sur le fondement des dispositions précitées ». Or, dans de nombreux cas, il ne s’agit pas pour le contribuable de faire état de sa bonne foi ou de son droit à l’erreur, ni de requérir la modération de ces pénalités, que le juge de l’impôt s’est toujours refusé à pratiquer. Il s’agit au contraire de la pertinence d’une pénalité automatique, liée à une infraction dont le contribuable ne peut connaître l’existence ni le quantum avant les rectifications.
La CAA persiste toutefois, et considère que « les dispositions précitées proportionnent la majoration aux agissements commis par le contribuable en prévoyant que son montant est fixé en pourcentage des droits éludés. Il ressort en outre des dispositions de l’article 1728 que les taux de majoration appliqués varient selon que le défaut de déclaration dans le délai a été constaté sans mise en demeure de l’intéressé ou après une ou deux mises en demeure infructueuses, de sorte que la loi elle-même a ainsi assuré, dans une certaine mesure, la modulation des peines en fonction de la gravité des comportements réprimés. Il s’ensuit que le moyen tiré du caractère automatique de l’application d’une majoration de 10 % ne peut qu’être écarté ».

NOTRE ANALYSE

UNE PÉNALITÉ IMPOSSIBLE À PRÉVOIR DANS SON PRINCIPE…

Dans la mesure où la pénalité de l’article 1728 du CGI est appliquée de manière automatique, dans une situation où le contribuable est dans l’impossibilité de s’y conformer, elle excède selon nous l’objectif que cet article est censé poursuivre et crée donc une erreur dans l’appréciation de la base légale.
Il nous semble en effet que le bienfondé fiscal d’une pénalité automatique est à revoir, dès lors qu’elle vient sanctionner un comportement non seulement involontaire du contribuable, mais surtout inévitable, tant le contribuable ne peut avoir connaissance ni de l’existence, ni du montant de la retenue à la source à déclarer.
En effet, cette pénalité vient frapper la retenue à la source, qui elle-même est une conséquence collatérale d’une rectification principale en matière d’impôt sur les sociétés, et dont l’existence et le quantum ne sont connus qu’à l’issue de la
procédure de contrôle:
Sur l’aspect temporel d’une part : cette retenue à la source découlant du transfert indirect de bénéfice ne peut en toute logique être connue du contribuable qu’à l’issue du contrôle fiscal, soit après que l’administration a considéré qu’un transfert indirect de bénéfice a eu lieu. Il est donc matériellement impossible que le contribuable puisse produire la retenue à la source dans les temps qui lui sont impartis, puisque le fait générateur de cette retenue lui est alors inconnu. Au cas d’espèce, l’administration a mis en lumière l’existence de la retenue à la source à l’occasion de sa proposition de rectification du 4 août 2014, soit pour l’exercice 2010, 44 mois après le fait générateur réputé ; et 32 mois après le fait générateur pour l’exercice 2011. Or, pour se conformer à l’article 1728 du CGI, le contribuable aurait dû théoriquement déclarer le transfert de bénéfice avant le quinzième jour qui suit le mois de ce transfert, c’est-à-dire avant le 15 janvier 2011 pour l’exercice 2010 ; et avant le 15 janvier 2012 pour l’exercice 2011.

NI DANS SON QUANTUM!

Sur le quantum, d’autre part : la pénalité est exprimée en pourcentage de la retenue à la source, elle-même étant calculée par référence aux rectifications en matière de prix de transfert.
Plus exactement, cette retenue à la source vient frapper le rehaussement en base opéré sous le visa de l’article 57 du CGI, qui est alors qualifié de revenu réputé distribué. Or, la matière des prix de transfert forme une discipline subjective, dont les bornes ne sont pas clairement tracées. Qu’il s’agisse des transactions tombant dans le champ de cette matière, ou de l’étalonnage du transfert réputé de bénéfice, le contribuable ne peut rationnellement et à l’avance connaître avec exactitude le montant d’un transfert indirect de bénéfice et, partant, le montant de retenue à la source théorique qu’il aurait dû déclarer.

LES BENCHMARKS POUR TOUS?

Enfin, nous rappellerons que les pénalités fiscales, qui sont synonymes de sanctions, visent à réprimer le comportement du contribuable. C’est là l’essence même de la différence avec l’intérêt de retard, qui entend pour sa part compenser le préjudice financier. La jurisprudence du Conseil d’Etat est claire sur ce point, et souligne a contrario le lien intrinsèque entre les pénalités fiscales et le comportement du contribuable. Or dans notre cas, le comportement du contribuable ne peut en aucun cas être volontaire, pas plus qu’il peut être au cas d’espèce modifiable, ou anticipé. En cela, nous pensons que l’article 1728 du CGI ne peut trouver application en pareil cas, car son dispositif devrait être limité aux cas où le contribuable a connaissance des obligations qui pèsent sur lui.
Maintenir alors les sanctions de l’article 1728 reviendrait à retirer leur qualité de pénalités fiscales, pour en faire de véritables impôts. En effet, ces pénalités seraient alors dissociées du comportement, qui constitue l’élément intrinsèque pour tomber dans le champ des pénalités fiscales, mais viendraient en réalité appliquer automatiquement un taux (en l’espèce 10%) sur une assiette (le transfert réputé de bénéfice), à l’instar d’un impôt.

La limitation de la déductibilité des charges financières visée à l’article 39-1-3 résistera-t-elle longtemps au droit international ?

Ces dernières années, l’article 39-1-3 du code général des impôts a réussi à se hisser parmi les dispositifs fiscaux les plus connus. Comme une sorte de code, un mot de passe numérique réservé à une communauté à part. On ne parle plus du taux d’intérêt déductible. On dit « le taux du 39-1-3 ». Faites le test, cela vous permettra de repérer les fiscalistes dans l’assistance.

Pour rappel ce texte, aussi incongru et anti-économique soit-il, précise que « les intérêts servis aux associés à raison des sommes qu’ils laissent ou mettent à la disposition de la société, en sus de leur part du capital, quelle que soit la forme de la société, [sont déductibles] dans la limite de ceux calculés à un taux égal à la moyenne annuelle des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit et les sociétés de financement pour des prêts à taux variable aux entreprises, d’une durée initiale supérieure à deux ans ».

Incongru, car il se pose comme une spécificité française dont Bercy a le secret, et s’ajoute à une liste déjà longue de dispositifs visant à contraindre les charges financières des entreprises.

Anti-économique, car il conduit les entreprises à devoir limiter la déductibilité fiscale d’intérêts qu’elles servent à des associés minoritaires (voire très minoritaires), alors qu’une exception est offerte aux associés détenant plus de la majorité du capital social de la débitrice grâce à l’alternative visée à l’article 212-I. Cela peut donc conduire dans les faits à contraindre les entreprises ayant souscrit un emprunt, ou qui ont émis des obligations au profit d’établissements bancaires tiers, et qui comme souvent, entrent au capital de ladite société pour suivre son évolution. Voyez le paradoxe : la BPI, qui contribue à l’essor de notre économie, détient très souvent des parts minoritaires dans le capital des sociétés qu’elle soutient ; les mêmes sociétés qui ne pourront donc pas déduire l’intégralité des intérêts financiers qu’elles lui reversent, dès lors que les taux d’intérêt pratiqués à leur égard, quand elles sont en situation de démarrage, ou pour des obligations qu’elles émettent, sont statistiquement bien au-delà du taux du fameux article 39-1-3.

Mais dès lors que ces actionnaires minoritaires sont situés dans un autre Etat que la France, ce dispositif de l’article 39-1-3 du CGI résiste-t-il au principe de pleine concurrence, visé à l’article 9 du modèle de convention fiscale de l’OCDE ? Ce principe de pleine concurrence peut en effet offrir un taux radicalement distinct, dès lors qu’il reflète des conditions de marchés et ce que des entreprises indépendantes, placées dans une situation similaire, auraient négocié entre elles.

Si l’on se pose un instant, la limitation prévue par cet article 39-1-3 entre en effet en contradiction avec l’article 9 du modèle, que l’on retrouve dans toutes les conventions signées par la France, et qui permet d’appliquer un taux alternatif. Les principes de subsidiarité et de primauté des traités devraient alors jouer leur rôle cher aux théoriciens du droit fiscal, et donc faire prévaloir la possibilité des parties liées de démontrer la justesse du taux qu’elles ont appliqué en réalité.

Dans bon nombre de conventions, l’article 9§1 vise le cas d’une « entreprise d’un Etat contractant [qui] participe directement ou indirectement à la direction, au contrôle ou au capital d’une entreprise de l’autre Etat contractant, ou que les mêmes personnes participent directement ou indirectement à la direction, au contrôle ou au capital d’une entreprise d’un Etat contractant et d’une entreprise de l’autre Etat contractant ». Or, participer directement ou indirectement à la direction ou au capital ne requière pas d’être associé majoritaire. Si l’on s’en tient là, le principe de pleine concurrence pourrait donc être appliqué à tout associé dès lors que par nature, celui-ci « participe au capital ». Mais comme tout bon fiscaliste est un paranoïaque en puissance, allons plus loin et posons-nous un instant sur la notion de « contrôle », qui semble plus ambigüe. Or, force est de constater que la définition de cette notion telle que produite par l’OCDE semble aussi grise que le béton du château de la Muette qui abrite ses services.

Les commentaires de l’OCDE indiquent en effet que « Deux entreprises sont associées si l’une d’entre elles remplit les conditions fixées à l’article 9 alinéas 1a) ou 1b) du Modèle de Convention fiscale de l’OCDE vis-à-vis de l’autre entreprise ».

Les commentaires éclairant l’article 9 du modèle de convention précisent quant à eux que « le comité a consacré beaucoup de temps et d’efforts (et continue de le faire) à l’étude des conditions d’application de cet article, aux conséquences de cette application, et aux méthodologies qui sont applicables pour l’ajustement des bénéfices lorsque des transactions ont été conclues dans des conditions autres que celles de pleine concurrence. Les conclusions de cette étude sont décrites dans le rapport intitulé ‘principes applicables en matière de prix de transfert à l’intention des entreprises multinationales et des administrations fiscales’ qui est périodiquement mis à jour dans le but de tenir compte de l’évolution des travaux du comité sur cette question. Ce rapport représente des principes internationalement admis et donne des lignes directrices pour appliquer le principe de pleine concurrence dont l’article 9 constitue l’énoncé faisant autorité ».

Poursuivons donc le jeu de piste et référons-nous alors aux principes directeurs de l’OCDE qui…reproduisent la même définition que les commentaires sous la convention modèle.

Il apparait donc que la notion de contrôle, qui est clé pour l’applicabilité du principe de pleine concurrence, n’est pas explicitement ou formellement définie par les standards du droit international. La nature ayant horreur du vide, il convient alors de se reporter au droit interne de chaque Etat.

Dans notre cas, l’article 39-12 du CGI précise que « Des liens de dépendance sont réputés exister entre deux entreprises : (a) lorsque l’une détient directement ou par personne interposée la majorité du capital social de l’autre ou y exerce en fait le pouvoir de décision ; (b) lorsqu’elles sont placées l’une et l’autre, dans les conditions définies au a, sous le contrôle d’une même tierce entreprise ». Du point de vue de notre droit positif français donc, le contrôle semble bien devoir être apprécié sous l’angle de la majorité (du capital ou du pouvoir de décision).
Le jeu de piste aurait-il alors conduit à une impasse, laissant le contribuable face à la froide injustice de l’article 39-1-3 ? Et bien, peut-être pas pour longtemps. La Commission européenne a dévoilé, le 12 septembre 2023, deux projets de Directives, relatives, respectivement, à l’initiative « BEFIT » et à une harmonisation des règles prix de transfert au sein de l’UE. Ce second projet de directive entend simplifier la réglementation applicable et de réduire le risque de double imposition, en intégrant le principe de pleine concurrence dans le droit de l’Union. Un des biais par lequel la sécurité fiscale serait renforcée passe par l’harmonisation des principales règles en matière de prix de transfert, en créant la possibilité pour la Commission d’établir, au sein de l’Union, des règles communes sur des sujets spécifiques.

Or, pour définir une entreprise associée, l’article 5 du projet de Directive propose notamment de retenir un seuil de détention de minimum 25% dans les droits de vote, le capital ou le bénéfice d’une entité pour établir un lien de dépendance. La transposition en l’état de la Directive conduirait donc mécaniquement et nécessairement à permettre aux associés minoritaires de se prévaloir du principe de pleine concurrence, et donc de faire échec aux dispositions de l’article 39-1-3 du CGI qui, en figeant un taux d’intérêt, vient en contradiction avec l’alternative offerte par le droit international et plus spécifiquement l’article 9 du modèle de convention fiscale. La contrainte du dispositif de l’article 39-1-3 du CGI dont souffre actuellement les associés minoritaires seraient donc levée pour certains associés seulement, qui d’une part disposeraient de 25% au moins du capital social, soit directement, soit indirectement, ou qui seraient placés sous une entité commune dépassant ce seuil ; et d’autre part, qui seraient résidents d’un autre Etat que la France.

Notre droit positif créerait cependant une double discrimination, en maintenant sous le joug de l’article 39-1-3 les associés ultra-minoritaires, détenant moins de 25% du capital de la société débitrice, et les associés établis en France. Pour ces derniers, la discrimination à rebours nous a déjà habitué à moins bien traiter les opérations purement domestiques.

Pour les associés étrangers, mais détenant moins de 25%, le fisc vous le dira : on a toujours besoin d’un plus petit que soi.

Prix de transfert : le juge de l’impôt persiste et signe quant à la référence automatique à la médiane des panels des comparables.

Dans une affaire portée devant la CAA de Lyon par notre cabinet, le juge de l’impôt a réitéré son attachement à la médiane d’un intervalle de pleine concurrence pour apprécier un transfert indirect de bénéfice. En l’espèce, la marge de la société tombait en-deçà du premier quartile d’un intervalle formé d’une trentaine de références. Il n’en fallait pas davantage pour que l’administration considère qu’une anomalie sur le terrain des prix de transfert affectait la rentabilité de la société et corrélativement, rectifie sa marge nette à hauteur de la médiane du panel.
Le TA de Lyon avait validé cette approche, en reprenant quasi textuellement le dispositif de l’arrêt GE Medical system et en considérant que « Dans les circonstances de l’espèce, la médiane […], qui permet de limiter les marges d’approximation par rapport à un point se situant à l’une ou l’autre des limites extrêmes de cet intervalle, doit être regardée comme le point de l’intervalle qui reflète le mieux les faits et les circonstances des transactions concernées » (TA Lyon, 22 juin 2021, N°1909917 et 1910206).

Ce considérant continue de nous laisser pantois, tant ces deux décisions brillent par l’absence d’explications quant aux « faits et les circonstances » apparemment si exceptionnels qu’ils justifient que l’administration estime automatiquement que le contribuable doit nécessairement dégager une marge plus élevée que la moitié des entreprises pourtant réputées comparables. Nous avons donc expressément demandé à la CAA de Lyon de prendre une position ferme et explicite sur ce sujet, tant dans nos écrits que lors de l’audience, afin d’apporter la clarté nécessaire pour assurer la sécurité juridique et fiscale des contribuables. La CAA de Lyon relève cependant que « il résulte de l’instruction que les marges nettes dégagées sur les courants d’affaires avec les sociétés X et Y se sont révélées non seulement inférieures à la plus basse des données de l’intervalle de pleine concurrence, mais aussi aux minimales « extrêmes » de l’échantillon constatées. De son côté, en se bornant à faire valoir que les marges constitutives des premiers quartiles viennent déjà la placer au-dessus de six sociétés des deux panels pour 2010 et 2011, et alors qu’il ne résulte pas de l’instruction que l’administration aurait fait une application automatique et dénuée de toute appréciation des circonstances des transactions concernées, de la médiane de l’intervalle interquartile, la requérante ne justifie, quant à elle, d’aucune circonstance spécifique permettant d’établir que l’administration, compte tenu des transactions en litige, aurait dû s’écarter de cette marge médiane ».

  • Nous déduisons de cette décision les éléments suivants :

    L’administration est confortée dans la référence automatique à la médiane des panels de pleine concurrence, dès lors que la rémunération du contribuable s’en écarte.
  • Il revient au contribuable d’apporter tout éclairage factuel, statistique, économique ou autre, permettant d’établir que l’administration, compte tenu des transactions en litige, aurait dû s’écarter de cette médiane. En pratique, cela revient à renverser la charge de la preuve sur le contribuable, en le forçant du reste à produire une analyse très subjective.

Le considérant de la Cour semble cependant contenir un indice positif : si la marge du contribuable tombe déjà dans l’intervalle (interquartile) de pleine concurrence, le dispositif pourrait être inversé, car les fameux « faits et circonstances » seraient différents. En effet, c’est parce la marge tombait hors de l’intervalle, que la Cour a dû retenir une cible.

Oui ! Le régime fiscal de l’« IP Box » s’applique également aux personnes physiques

Introduction

Depuis le profond remaniement opéré par la loi de finances 2019, le dispositif dit de « l’IP Box » est devenu un atout considérable œuvrant à la croissance et à la compétitivité des entreprises. En effet, le renouvellement de ce dispositif et l’extension de son champ d’application aux logiciels a apporté un vent de fraîcheur sur la scène des innovations intellectuelles. En investissant dans la recherche et le développement de nouveaux actifs incorporels, les entreprises peuvent désormais tirer des avantages fiscaux assez conséquents. Outre le bien connu Crédit d’Impôt Recherche (CIR), les entreprises assujetties à l’impôt sur les sociétés peuvent également, dès lors que certaines conditions sont remplies, opter pour une imposition séparée à un taux réduit fixé à 10 % pour les revenus tirés de la concession, sous-concession ou cession de certains actifs incorporels.
Toutefois, le régime de l’IP Box n’est pas que l’apanage des personnes morales. En effet, même si les dispositions de l’article 238 CGI ne s’appliquent pas aux inventeurs personnes physiques, ces derniers peuvent toujours profiter de cet incitatif fiscal par le biais de l’article 93 quater du CGI.
En effet, le I de ce texte prévoit que : « le régime des plus ou moins-values à long terme prévu à l’article 39 quindecies est applicable aux produits perçus par un inventeur personne physique et ses ayants droit au titre de la cession ou de la concession de licences d’exploitation d’un logiciel protégé par le droit d’auteur, d’une invention brevetable ou d’un actif incorporel qui satisfait aux conditions mentionnées aux 1°, 2° ou 4° du I de l’article 238. Par dérogation au premier alinéa du I de l’article 39 quindecies, le taux applicable aux opérations mentionnées au présent alinéa est de 10 % ».
Ainsi, les revenus tirés de l’exploitation de ces actifs incorporels par les inventeurs personnes physiques, leurs héritiers ou les particuliers qui les ont acquis gratuitement ou à titre onéreux entrent dans la catégorie des « bénéfices non commerciaux ». Ils sont, toutefois, taxés selon le régime des plus-values à long terme, à un taux atténué fixé à 10%. A l’impôt s’ajoutent cependant les prélèvements sociaux au taux de 17,20%, soit un total de captation fiscale à 27,20%.
Cependant, pour qu’une personne physique puisse bénéficier de l’« IP Box », il faut, d’abord, qu’elle satisfasse à certaines conditions (I) qui une fois remplies, vont permettre la mise en œuvre de ce dispositif fiscal de faveur (II).
Les conditions d’application de l’IP Box aux personnes physiques
Afin de pouvoir bénéficier de l’IP Box, deux conditions cumulatives doivent être remplies par le contribuable. Il est nécessaire que l’actif incorporel visé par ce dernier soit éligible (A) et que l’opération à l’origine des profits imposables s’intègre dans le champ d’application dudit régime (B).

Les actifs éligibles

Il ressort de l’article 93 quater du CGI que sont éligibles au régime de l’IP Box :
Les licences d’exploitation des logiciels protégés par le droit d’auteur, c’est-à-dire, les œuvres qui émanent de l’esprit, qui sont suffisamment élaborées et qui ont un caractère original.

Les brevets et les inventions brevetables ou les perfectionnements qui y ont été apportés. Par brevet, sont visés les titres de propriété industrielle qui confèrent à leur titulaire une exclusivité d’exploitation de l’invention brevetée par des moyens commerciaux durant un délai limité, généralement de 20 ans à compter du jour du dépôt de la demande. Les inventions brevetables, quant à elles correspondent aux créations de l’esprit qui remplissent les conditions de brevetabilité nécessaires à l’obtention d’un brevet par un Office Récepteur, c’est-à-dire les inventions qui ne sont pas expressément exclues par la loi et qui apportent une réponse à une solution technique, tout en étant nouvelles, innovantes et d’applications industrielles. Cependant, il est important de préciser que le législateur n’exige pas du contribuable de présenter un certificat de brevetabilité lors du dépôt de sa demande auprès de l’administration fiscale. En effet, celui-ci pourra toujours obtenir son agrément s’il arrive à démontrer la brevetabilité de son invention. Toutefois, une telle preuve est, en pratique, très difficile à établir, et ce, depuis l’abrogation de l’avis documentaire par la loi de finance 2023. En effet, ce document permettait à l’INPI de certifier la brevetabilité d’une invention avant même l’obtention d’un brevet définitif. Cela étant dit, l’inventeur personne physique peut toujours user d’autres possibilités. En effet, selon certains auteurs, ce dernier peut en parallèle à l’introduction de sa demande auprès de l’administration fiscale, déposer une demande de brevetabilité devant un Office Récepteur. Dans ce cas, au fur et à mesure de l’avancée de l’instruction de sa demande de brevet, il communiquera à l’administration fiscale toute preuve lui permettant d’établir la brevetabilité de son invention dont notamment le rapport de recherche et l’avis préliminaire sur la brevetabilité. Toutefois, même si ces documents profitent à l’inventeur, ils ne constituent que de simples débuts de preuve, démunis de tout caractère définitif et contraignant. Ils ne peuvent donc pas être opposables à l’administration fiscale d’autant plus qu’à ce jour, ni la jurisprudence ni la doctrine administrative ne se sont encore prononcées sur ce sujet.
Les actifs incorporels satisfaisant les conditions mentionnées au 1°, 2° et 4° du I de l’article 238 CGI. Il s’agit ici des certificats d’utilité, des certificats complémentaires de protection rattachés à un brevet, des certificats d’obtention végétale et des procédés de fabrication industriels. Toutefois, spécifiquement pour les procédés, le législateur exige qu’ils soient le résultat d’opérations de recherche, qu’ils constituent l’accessoire indispensable de l’exploitation d’une invention brevetée, d’un certificat d’utilité ou d’un certificat complémentaire de protection rattaché à un brevet et qu’ils font l’objet d’une licence d’exploitation unique avec l’invention.
Ainsi, dès lors que l’actif incorporel visé par la personne physique appartient à l’une des catégories sus mentionnées, il sera considéré comme éligible à l’IP Box. Toutefois, cette éligibilité ne suffit pas à elle seule. En effet, outre cette première condition, il faut que l’opération à l’origine des revenus imposables soit également couverte par le champ d’application de ce régime fiscal de faveur.

Les opérations couvertes par l’IP Box

Les articles 93 quater et 39 terdecies du CGI prévoient que le régime des plus ou moins-values à long terme s’applique aux produits perçus par un inventeur personne physique et ses ayants droit au titre de la cession ou de la concession de licences d’exploitation des actifs incorporels précités.
Par opération de cession, on entend toute transaction entraînant la sortie des éléments en cause du patrimoine du cédant et réalisée moyennant une contrepartie financière (en numéraire ou en nature).
Les concessions, quant à elles, couvrent tout contrat de louage par lequel le propriétaire du bien incorporel (le « concédant ») confère le droit d’exploitation de tout ou une partie de son bien à un tiers (le « concessionnaire »), moyennant le versement d’une redevance. La concession peut prendre plusieurs formes :
Elle peut être exclusive ou non ;
Elle peut être conclue pour l’ensemble du ou des territoires pour lesquels l’invention bénéficie d’une protection juridique, ou pour une partie de ceux-ci seulement ;
Elle peut porter sur la totalité des droits ou sur certains éléments seulement (la concession pourrait ne concerner, par exemple, que certaines applications d’un brevet seulement).
Par ailleurs, la licence d’exploitation désigne tout contrat conférant au licencié le droit d’utiliser l’invention tant à des fins internes, pour ses besoins propres, que dans la perspective de produire et commercialiser des biens et services.
Toutefois, l’administration fiscale précise que lorsque le contrat porte à la fois sur des éléments entrant dans le champ d’application du 1 de l’article 39 terdecies du CGI et sur des éléments qui n’entrent pas dans le champ d’application de ce dispositif, le régime prévu au 1 de l’article 39 terdecies du CGI ne concerne que les éléments qui satisfont aux conditions posées par le texte. Ainsi, dans le cas de contrats globaux portant sur un ensemble d’éléments, brevetables ou non, et des prestations d’assistance technique, il faudrait distinguer entre deux situations :
Soit le contrat permet d’isoler le prix de chaque élément et de chaque prestation visés par le contrat. Dans ce cas, il y a lieu de retenir ce prix pour le calcul du produit de l’opération des seuls éléments de la propriété industrielle qui rentrent dans le champ d’application du régime, à savoir les actifs incorporels éligibles tels que mentionnés dans le paragraphe précédent.

Soit le contrat prévoit un prix global. Dans cette situation, dès lors que le régime des plus-values à long terme ne s’applique qu’à une partie des éléments visés par les termes du contrat, il est nécessaire d’opérer une ventilation du prix global. En conséquence, il appartient au contribuable de déterminer la partie du prix correspondant à la rémunération de ces actifs selon la méthode la plus adaptée et d’être en mesure de retracer cette méthode dans la documentation mise à la disposition de l’administration en cas de contrôle. À cet égard, la ventilation du prix global doit résulter d’éléments objectifs. Elle se fonde soit sur des comparaisons reposant sur des transactions réalisées à des dates proches et relatives à des éléments éligibles dont les caractéristiques sont similaires à celles sur lesquelles porte le contrat, soit sur une ou plusieurs clefs de répartition reposant sur des données comptables telles que : la valeur intrinsèque des droits transférés, la valeur retenue pour l’acquisition des droits, le coût de revient des différents éléments et prestations couverts par le contrat, etc. Dans ce cas, les critères de valorisation retenus pour chacun des éléments du contrat doivent être homogènes.

La mise en œuvre de l’IP Box

La mise en œuvre de l’IP Box exige d’abord d’identifier les produits tirés de l’opération qui sont susceptibles de rentrer dans le champ d’application dudit régime (A). Une fois dégagés, ces produits serviront de base pour déterminer le montant final des impôts dus par l’inventeur personne physique ou ses ayants droits (B).

L’identification des produits imposables

Il ressort du dernier alinéa de l’article 39 terdecies, 1, du CGI que le régime des plus-values à long terme ne s’applique pas en principe aux brevets, inventions brevetables ou procédés de fabrication industriels qui ne présentent pas le caractère d’éléments de l’actif immobilisé ou ont été acquis à titre onéreux depuis moins de deux ans.
Ce principe est, toutefois, tempéré par le fait que les droits de propriété industrielle détenus par des personnes physiques, soit en qualité d’inventeurs indépendants, soit après les avoir acquis à titre onéreux ou à titre gratuit, ne constituent pas un moyen d’exploitation. En effet, ces inventions sont considérées comme le produit même des activités de création de leur inventeur. A la différence de ceux détenus par les entreprises industrielles et commerciales, ils n’ont donc pas la nature d’éléments d’actif affectés à l’exercice d’une profession non commerciale.
En conséquence, il est admis que cette circonstance n’est pas de nature à priver les intéressés de l’application du régime des plus-values à long terme pour l’imposition des produits de la cession ou de la concession de licences d’exploitation de ces actifs incorporels.
Ainsi, le régime fiscal de faveur prévu par l’article 93 quater du CGI s’applique aux résultats nets tirés des cessions et des concessions de licences d’exploitation de brevets ou d’inventions brevetables perçues par les inventeurs personnes physiques, leurs héritiers ou les particuliers ayant acquis ces droits y compris lorsqu’il existe des liens de dépendance entre le concédant et le concessionnaire.
Par ailleurs, s’agissant des personnes physiques, l’administration fiscale précise qu’il n’y a pas lieu de s’attacher à la date d’entrée dans le patrimoine des droits de propriété industrielle dès lors que ceux-ci ont été découverts ou mis au point par l’inventeur ou lui ont été cédés à titre gratuit. En revanche, lorsque les droits de la propriété industrielle ont été acquis à titre onéreux, les produits retirés de la cession ou de la concession de licences d’exploitation de ces droits ne peuvent pas bénéficier du régime des plus-values à long terme qu’à partir de l’expiration d’un délai de deux ans à compter de leur date d’acquisition. Les produits perçus avant l’expiration de ce délai sont soumis au barème progressif de l’impôt sur le revenu.
Toutefois, la détermination des produits imposables diffère entre les opérations de cession et de concession :
En effet, est considérée comme un produit de cession, la valeur de la contrepartie reçue par le cédant, c’est-à-dire, la somme acquise au vendeur en cas de vente, à la valeur réelle des biens reçus en cas d’échange, et à la valeur réelle des titres reçus en rémunération en cas d’apport. Ces produits sont imposables l’année de leur encaissement. Cependant, les inventeurs personnes physiques imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux qui apportent un brevet, une invention brevetable ou un procédé de fabrication industriel à une société chargée de l’exploiter, peuvent demander le report de l’imposition de la plus-value réalisée à cette occasion.

En revanche, les produits d’une concession correspondent plutôt aux résultats de la gestion de la concession, c’est-à-dire les redevances contractuelles perçues au cours de l’année d’imposition.
Par ailleurs, en cas de contrats de cession ou de concession portant sur un ensemble d’éléments, dont seulement certains d’entre eux sont des actifs éligibles, seuls les résultats nets directement tirés de l’exploitation de ces actifs seront qualifiés de produits imposables.
Une fois que les produits soumis au régime de l’IP Box sont identifiés, un calcul doit être effectué afin de déterminer le montant de l’impôt dû par le contribuable.
La détermination de l’impôt dû par le contribuable
Seules les sommes nettes sont soumises à l’impôt. Une déduction doit donc s’opérer sur les produits dégagés de l’exploitation des actifs éligibles afin de déterminer le montant imposable. Toutefois, les charges déductibles diffèrent selon qu’il s’agit d’une opération de cession ou d’un contrat de concession :
S’agissant des opérations de cession, sont déduits, d’une part, les frais nécessités par la recherche et la mise au point du brevet ou les dépenses payées pour son acquisition, diminués, le cas échéant, lorsque l’élément était inscrit à l’actif professionnel, des amortissements pratiqués. D’autre part, les frais exposés, le cas échéant, pour la maintenance ou l’amélioration de l’invention. Toutefois, si les sommes ainsi déduites excèdent le prix de cession, la perte correspondante est imputable, le cas échéant, sur les autres revenus de la propriété industrielle perçus par le contribuable au cours de l’année d’imposition ou du revenu global. Ce déficit est déductible du revenu global de l’année de prise du brevet et des neuf années suivantes lorsque le contribuable ne perçoit pas de produits imposables ou perçoit des produits inférieurs à ces frais . Le délai commence à courir à compter de l’année suivant celle de la prise du brevet (ou du dépôt de la demande si le brevet est délivré à une date postérieure). Cependant, aucune déduction ne peut s’opérer dans le cas où les frais susmentionnés ont déjà été déduits du bénéfice non commercial imposable au fur et à mesure de leur paiement ou lorsque, exceptionnellement, le brevet a été immobilisé et est totalement amorti au moment de la cession. Dans ces cas, le produit imposable sera égal au prix de cession.

Concernant les concessions, sont déduites du produit de ces contrats, les dépenses de recherche ainsi que les frais relatifs à la gestion de la concession, c’est-à-dire ceux pris en compte pour la détermination du résultat net de l’opération, à savoir, les frais engagés pour la recherche des licenciés, la négociation et la conclusion des contrats, la gestion proprement dite des licences ainsi que les dépenses de recouvrement et de contentieux. Toutefois, sont exclus les frais de création d’un brevet, engagés en vue de sa délivrance dès lors qu’ils ont pour contrepartie la constitution d’un élément d’actif immobilisé. Par ailleurs, dans la situation où le concessionnaire est imposable dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, le 8° du 1 de l’article 93 du CGI reconnaît expressément le caractère de charges déductibles aux redevances tirés de la concession d’un actif éligible. Ce principe est toutefois tempéré lorsque des liens de dépendance existent entre le concédant et le concessionnaire. Dans ce cas, le montant des redevances n’est déductible que pour une fraction de leur montant égale au rapport existant entre le taux des plus-values à long terme auquel elles ont été imposées chez le concédant et le taux normal de l’impôt sur les sociétés.
Une fois les charges identifiées, il faut les soustraire des produits tirés de l’opération de cession ou de concession afin d’obtenir le résultat net.
Ainsi, si la valeur obtenue est positive, elle sera traitée en tant que plus-value à long terme. Celle-ci pourra, alors, en fonction de la situation du contribuable :
soit se compenser avec les moins-values à long terme de l’exercice ;
soit s’imputer au franc le franc sur le déficit de l’exercice, et les déficits reportables des exercices antérieurs ;
soit s’imputer sur les moins-values à long terme constatées au cours des dix exercices antérieurs, et qui n’ont pas encore été imputées.
Le reliquat restant après imputation sera, par conséquent, imposé fiscalement au taux réduit de 10% tel que prévu par le I de l’article 93 quater du CGI auquel s’ajoutent les prélèvements sociaux dont le taux est de 17,20%.
Toutefois, dans le cas contribuable n’a ni déficit ni moins-value reportable, le résultat net dégagé après déduction des charges, servira directement de base d’imposition.

CARA : la nouvelle génération d’avocats fiscalistes qui remet la proximité-client au centre du conseil

[Interview de Terence WILHELM par Laura NORDIN pour le figaro Economie]

Fondé en 2017, CARA s’est rapidement imposé comme un cabinet d’avocats disruptif et indépendant, de référence dans les domaines de la fiscalité internationale et française, des prix de transfert et de la fiscalité de la propriété intellectuelle. Offrant des solutions durables adaptées à chaque environnement, le cabinet incarne une nouvelle génération d’avocats attachés à mettre à disposition leur expertise dans une structure plus agile et à visage humain pour mieux répondre aux besoins de leurs clients.

Une philosophie axée sur le client pour des solutions sur mesure

C’est après 15 années au service de grands cabinets d’affaires – les Big Four – que Maître Terence Wilhelm a décidé de créer son propre cabinet en fiscalité en 2017.
La raison ? Un constat simple mais criant : à force de process, d’industrialisation et de massification des offres, les grosses structures de conseil qui, traditionnellement, concentraient des expertises de pointe, ont perdu leur capacité à offrir des solutions sur mesure.
Pour répondre à ces insuffisances, CARA s’est construit autour d’un même principe : revenir à l’essence du métier d’avocat. Comment ? En replaçant le client et sa stratégie au centre du dispositif grâce à une structure agile et à taille plus humaine, capable d’adapter les solutions à chaque environnement et culture d’entreprise, tout en garantissant une impartialité dans les conseils.
« CARA », c’est aussi « ami » en irlandais. Par ce symbole, le cabinet entend porter plus haut sa vision du conseil, toujours au plus proche des problématiques client. Et comme il est toujours bon de s’entourer d’amis, CARA a su aussi s’entourer des meilleurs. Membre très actif du réseau Goji en France, cette proximité lui permet de compléter son offre en fiscalité par d’autres branches du droit des affaires ; membre aussi du prestigieux réseau international Pride Partners International, celui-ci lui permet de servir les intérêts de ses clients à travers le monde.
Regroupant d’excellents avocats fiscalistes, le cabinet tient aussi à cœur d’être un acteur actif de la cité. Inspiré des valeurs du sport, particulièrement la combativité, la résilience et le collectif, il est partenaire business du LOU rugby, l’équipe de Lyon qui évolue en Top 14. Le cabinet est également sponsor maillot des équipes féminines et d’autres clubs ambitieux de la région lyonnaise. Désireux de transmettre son savoir, le cabinet lyonnais est aussi très impliqué vis-à-vis des universités de la région pour faire émerger les talents locaux. Engagé aussi auprès de diverses associations locales dédiées à l’enfance, CARA est définitivement ancré dans sa région.
Engagement qui a par ailleurs été honoré par le Trophée des Solidarités décerné par le barreau, en reconnaissance de l’investissement du cabinet envers la communauté et diverses associations locales.

Une expertise de pointe dans le domaine des prix de transfert

Doté d’une expertise de pointe construite après 15 années dans les plus grands cabinets d’avocats fiscalistes internationaux, CARA est spécialisé dans le domaine des prix de transfert, de la fiscalité nationale et internationale et de la fiscalité de la propriété intellectuelle.
Achat, vente de biens et services, cessions, licences de propriété intellectuelle ou industrielle, prêts intragroupes, conventions de trésorerie, avances en compte courant… l’essentiel du commerce dans le monde étant réalisé par des groupements d’entreprises liées capitalistiquement, toutes les opérations à forte valeur relèvent de la question des prix de transfert.
C’est une matière prépondérante au sein de la fiscalité internationale qui permet d’appréhender la manière dont sont rémunérées les transactions économiques de toute nature intervenant entre deux entreprises d’un même groupe.
Et CARA a fait de cet incontournable sa spécialité de métier pour répondre à des enjeux extrêmement stratégiques, tant pour les entreprises que pour les États.
Pour les États, il s’agit de s’assurer que ces prix de transfert soient correctement valorisés, pour éviter le transfert de valeur et l’évasion fiscale par la surévaluation ou sous-évaluation des transactions. Les États imposent ainsi que ces prix de transfert reflètent un niveau dit « de pleine concurrence ».
De l’autre côté, pour les entreprises, raisonnant souvent de manière macro à l’échelle du groupe, il s’agit de sécuriser leurs positions fiscales, et protéger les équilibres économiques au sein du groupe pour se construire un solide business model.
CARA Avocats joue ainsi sur plusieurs fronts reposant sur un équilibre délicat entre stratégie économique, protectionnisme fiscal des États et optimisation financière des entreprises.
Sur la base de remontées clients et à travers divers classements, le cabinet peut être fier d’avoir été récompensé trois années de suite par des organismes internationaux pour son expertise sans comparaison en matière de transfert de prix. Il figure également depuis dans le prestigieux classement Legal100.
Des clients de prestige bénéficiant d’un service sur mesure
Fort d’une expertise mise à disposition sur mesure, le cabinet travaille avec une variété de clients, qu’ils soient des entreprises de petite à très grande taille. Parmi elles, il compte plusieurs grands groupes français, leaders mondiaux dans leurs secteurs respectifs, réalisant plusieurs milliards de CA.
Toujours attaché à adapter chaque service pour chacune des problématiques client, CARA Avocats accompagne les entreprises notamment en amont, dans la structuration et la sécurisation de leurs positions fiscales internationales – et donc dans leurs politiques de prix de transfert.
Main dans la main, le cabinet aide aussi ses clients dans la construction de leurs flux intragroupes, en résonance avec leur stratégie économique, tout en s’assurant de la conformité fiscale de ces structures dans tous les pays d’établissement.
Parallèlement, le cabinet peut assurer la gestion au quotidien de tout ce qui relève de la documentation ou des déclarations à produire.
En France et à l’international, toujours au plus près de ses clients, le jeune cabinet lyonnais les assiste aussi en cas de conflit avec une autorité fiscale, dans le cadre d’un contrôle fiscal ou à l’échelon supérieur, devant les juridictions.
Référent dans son domaine, CARA Avocats peut déjà se targuer d’avoir à son actif plusieurs décisions de jurisprudence gravées dans le monde du droit des affaires. Il figure aussi depuis 2020 dans le prestigieux classement Legal 100 dans la catégorie Fiscalité Internationale, qui recense les 100 meilleurs cabinets en droit des affaires.
Anticiper les changements de la fiscalité internationale
Que ce soit au niveau national, communautaire ou international, des réformes très importantes se profilent et vont radicalement changer les paradigmes de la fiscalité internationale.
Résolument tourné vers la prévention et l’adaptation à la complexité des phénomènes globaux, CARA Société d’Avocats ne cesse d’anticiper la nouvelle ère fiscale qui arrive.
Dans cet environnement changeant rapidement, le cabinet lyonnais a su se doter des meilleurs outils et des meilleurs talents pour pouvoir anticiper ces réformes. Et surtout anticiper les enjeux qu’elles vont générer pour ses clients.
En continuant à capitaliser sur son expertise et son esprit entrepreneurial intrinsèque, CARA Avocats poursuit sa croissance et compte ouvrir notamment un bureau à Paris et à Montpellier ou Nice.
De grands projets à la hauteur des besoins, sans pour autant sacrifier son modèle qui fait sa force : la proximité-client avant tout. « Small is beautiful ».

Déductibilité des intérêts intra-groupes : la preuve s’assouplit et se précise

LES FAITS

LES FAITS

A la suite d’une vérification de comptabilité de la société GEII Rivoli Holding au titre des exercices clos en 2013 et 2014, l’administration fiscale a remis en cause la déductibilité de la différence entre le taux pratiqué de 5,08% et celui de 2,79 % correspondant à la valeur mentionnée au 3° du 1 de l’article 39 du CGI.
Lors des phases contentieuses, la société a produit une première analyse identifiant à partir de l’outil RiskCalc développé par l’agence Moody’s, la note de risque qui aurait pu lui être attribuée, ainsi qu’ intervalle de taux établi par référence à ceux obtenus par quinze sociétés non financières, appartenant à des secteurs d’activité hétérogènes.
Une seconde analyse corroborative a été produite devant la CAA de Paris et fondée sur le calcul de deux ratios financiers, dont l’un, dit  » loan to value  » (LTV), adossée à des données relatives au marché obligataire issues de la base de données financières Standard et Poor’s Capital IQ.

LA RÈGLE

Un courant jurisprudentiel construit autour des années 2020 a redessiné les contours de la preuve en matière de déductibilité des taux pratiqués à l’égard d’associés majoritaires.
Spécifiquement, l’entreprise emprunteuse peut notamment s’appuyer sur les taux d’emprunts bancaires accordés, dans des conditions de pleine concurrence, à des sociétés relevant comme elle du secteur non financier, ayant obtenu des notes de crédit voisines de celle qui peut être déterminée pour elle, alors même que ces autres sociétés appartiendraient à des secteurs d’activité hétérogènes.
L’entreprise emprunteuse peut également tenir compte du rendement d’emprunts obligataires émanant d’entreprises se trouvant dans des conditions économiques comparables, lorsque ces emprunts constituent, dans l’hypothèse considérée, une alternative réaliste à un prêt intragroupe.

LA PROCÉDURE

LES JUGES DU FOND

Le TAA de Paris en 2021, puis la CAA de Paris en 2022 ont rejeté les prétentions de la société et confirmé les rectifications opérées.
En premier lieu, les juges relèvent que pour justifier que le taux de 5,08 % servi à sa société mère, la société GEII Rivoli Holding a produit un rapport identifiant à partir de l’outil RiskCalc développé par l’agence Moody’s, la note de risque qui aurait pu lui être attribuée, soit Baa1. Or, cette note de risque avait été obtenue sans renseigner le secteur d’activité de la société requérante dans l’outil RiskCalc. Ainsi, la CAA a pu, sans entacher son arrêt d’erreur de droit, écarter pour ce motif cette méthode comme non probante dès lors qu’une telle circonstance conduisait à ne pas tenir compte de la situation économique particulière de la société.
En second lieu, pour écarter la méthode corroborative proposée par la société, la CAA a considéré que celle-ci ne justifiait pas qu’un emprunt obligataire aurait constitué, pour elle, une alternative réaliste à un prêt intragroupe.
Enfin, la CAA estime qu’il ne lui avait été fourni aucun comparable précisément identifié dont elle aurait été en mesure d’apprécier la pertinence.

LA SOLUTION DU CONSEIL D’ETAT

Le CE a accueilli positivement le premier argument des juges du fond, considérant à juste titre que le secteur d’activité de l’entreprise constitue un paramètre important devant être pris en compte lors du calcul de la note de crédit sur l’outil RiskCalc.
Cependant, il écarte le reste des arguments, validant ainsi la démonstration économique et statistique de la société. Plus précisément, le CE souligne:
– « La taille d’une société n’est pas à elle seule de nature à faire obstacle à
l’accès à ce marché et que le caractère réaliste, pour une société ayant recours à un prêt intragroupe, de l’hypothèse alternative d’un emprunt obligataire ne s’apprécie qu’au regard des caractéristiques propres de cette société et de l’opération, les taux constatés sur ce marché devant le cas échéant être ajustés ».
– « Le taux de pleine concurrence avancé par la société comme correspondant à son niveau de risque reposait sur l’exploitation de courbes de taux établies sur la base de l’ensemble des transactions recensées, pour des emprunts de même durée contractés par des sociétés de même profil de risque, et qu’il n’était pas argué que le recensement des transactions figurant dans cette base n’était pas fiable ».

NOTRE ANALYSE

L’OUTIL RISKCALC EST UTILE, MAIS PAS TOUT PUISSANT

Développé par l’agence Moody’s, l’outil RiskCalc a acquis sa légitimité auprès du juge de l’impôt depuis l’arrêt Studialis de la CAA de Paris en 2020 (n°18PA01026). Cet outil permet en effet de déterminer la note de risque d’un emprunteur, qui constitue la première étape essentielle dans la démonstration d’un niveau de pleine concurrence d’un taux pratiqué à l’égard d’associé majoritaires. Cependant, cet outil requiert une analyse fine des paramètres intrinsèques de cet emprunteur, tant quantitatifs que qualitatifs, au titre desquels figure notamment le secteur d’activité. Ce dernier indicateur influence en effet grandement les perspectives de croissance, de rentabilité, et donc de risque, passées et futures, des acteurs composant un marché donné. A défaut d’avoir renseigné ce critère essentiel, l’analyse produite initialement ne pouvait être pertinente ou complète, car elle méconnait alors nécessairement la situation économique de la société.
Il est toutefois intéressant de noter que ni la contemporanéité de l’analyse, ni la pertinence des outils cités n’ont été discuté, validant ainsi et sans doute définitivement le courant prétorien amorcé par les arrêts Studialis précité, BSA de la CAA de Versailles (n°20VE03249), et Willink du Conseil d’Etat (n° 446669).
Surtout, on retiendra de l’arrêt que la démonstration ayant finalement emporté l’adhésion du Conseil d’Etat repose sur un ratio financier alternatif dit  » loan to value  » (LTV), qui rapporte le niveau d’endettement à la valeur des actifs immobiliers de la société. Cet indicateur conduisait en l’espèce à estimer, par comparaison avec les ratios de sociétés foncières françaises et européennes cotées, que la notation financière qu’elle aurait pu obtenir n’aurait pas dépassé BBB, soit une sphère proche de celle proposée initialement par RiskCalc.
Au cas d’espèce, le ratio LTV avait été calculé en tenant compte d’une dette financière correspondant exclusivement à l’emprunt dont il convenait d’apprécier le taux. On aurait pu alors penser que le calcul était vicié, car circulaire. Mais en se concentrant sur l’emprunt principal (dont l’objet et le montant n’étaient pas contestés), sans prendre en compte les intérêts (dont le taux était au centre des débats), le ratio était en effet pertinent et valable.

LA CONSECRATION DU MARCHÉ OBLIGATAIRE

Dans son Avis Wheelabrator de Juillet 2019, le Conseil d’etat avait ouvert la voie à une approche pragmatique, alignée avec la pratique OCDE, de la démonstration par le contribuable du caractère de « pleine concurrence » d’un taux d’intérêt pratiqué dans le cadre d’un financement intragroupe, permettant notamment l’utilisation de référentiels obligataires.
en conditionnant la référence au marché obligataire à la démonstration que « ces emprunts constituent, dans l’hypothèse considérée, une alternative réaliste à un prêt intragroupe ». En d’autres mots, le contribuable semblait devoir pouvoir apporter la preuve que l’émission d’obligations constituait pour lui une option réaliste et alternative au recours à un emprunt classique auprès d’une banque ou d’un établissement de crédit.
chef de l’administration. Le juge considère en effet que « le caractère réaliste, pour une société ayant recours à un prêt intragroupe, de l’hypothèse alternative d’un emprunt obligataire ne s’apprécie qu’au regard des caractéristiques propres de cette société et de l’opération, les taux constatés sur ce marché devant le cas échéant être ajustés pour tenir compte des spécificités de la société en cause ». Pour écarter la référence au marché obligataire, il semble alors que l’administration doive démontrer que compte tenu de ses paramètres propres et intrinsèques, cette option serait dépourvue d’objet, ou non adéquate. Il nous semble que cette preuve relève de l’impossible.

LES BENCHMARKS POUR TOUS?

Si l’analyse économique en deux temps semble désormais bien reconnue par le juge de l’impôt, tant dans sa composante de calcul de risque de crédit que de recherche de comparables sur des marchés obligataires, on rappellera que cette démarche ne vaut que si le prêteur est associé majoritaire au sens de l’article 212-I. Les associés minoritaires ne peuvent se prévaloir de cette analyse pour justifier d’un taux différent de celui visé à l’article 39-1-3 du CGI (voir notamment CAA Versailles, Sté Financière Lilas, n°19VE00546). Ce courant renforce donc un peu plus la différence de traitement entre contribuables.

Déductibilité des intérêts versés à des entreprises liées : précisions sur le lien de dépendance

Les intérêts financiers versés par une entreprise à des associés sont contraints par un dispositif juridique et fiscal déroutant. Petit rappel pour ceux qui aiment les jeux de piste :

Par application de l’article 39-1-3 du Code général des impôts, ces intérêts sont plafonnés à un taux moyen établi trimestriellement par la direction générale du Trésor et publiées au Journal officiel.
L’article 212-I du même code ouvre cependant une brèche, en prévoyant que ce taux peut être différent, dès lors qu’il reflète des conditions de marché et surtout, qu’il est appliqué à des associés liés à l’entreprise par des liens de dépendance dont la définition est renvoyée à l’article 39-12.

Au titre de l’article de ce même article 39-12, des liens de dépendance sont réputés exister entre deux entreprises : « a- lorsque l’une détient directement ou par personne interposée la majorité du capital social de l’autre ou y exerce en fait le pouvoir de décision ; « b- lorsqu’elles sont placées l’une et l’autre, dans les conditions définies au a, sous le contrôle d’une même tierce entreprise ».

La combinaison de ces articles pose donc un mécanisme de va-et-vient susceptible de perdre le contribuable dans ses méandres. Le groupe Divalto en a fait les frais malheureux devant la CAA de Nancy.
En l’espèce, la société F avait émis des obligations convertibles en actions (OCA) rémunérées à un taux excédant celui de l’article 39-1-3 applicable à la même période. De telles OCA étaient détenues par une société P, associée minoritaire de la société P, mais qui se serait retrouvée majoritaire sitôt les obligations effectivement converties en actions. Par anticipation, la société P avait donc estimé légitime d’appliquer le taux alternatif de l’article 212-I, au motif que la société F serait par la force des choses associée majoritaire au sens de l’article 39-12.

La Cour administrative d’appel a rejeté cette application anticipative du dispositif et rappelle que celui-ci est d’interprétation stricte.

CAA Nancy 20 juin 2024 n° 22NC01300

Inscription de la Russie sur la liste noire de l’UE : quelles conséquences fiscales ?

Faites le test autour de vous : demandez à votre entourage de citer plusieurs paradis fiscaux. Il est plus que probable que la Russie ne figure pas parmi la liste des Etats exotiques, sulfureux, ou des places financières qui souvent viennent immédiatement à l’esprit et crispent (parfois à tort) les béotiens. Et pourtant, le 14 février dernier, le Conseil de l’Europe a rendu publique sa liste noire des pays et territoires non coopératifs à des fins fiscales en y ajoutant expressément la Russie, en plus des Iles Vierges Britanniques, du Costa Rica, et des Iles Marshall, portant ainsi le nombre total d’Etats visés à 16. Evidemment, la concomitance de l’annonce avec la Saint Valentin est un pur hasard (la fiscalité s’embarrasse assez peu de l’amour), mais la décision marque néanmoins au fer (rouge) le désamour entre l’Europe et la Russie, alors que nous fêtons tristement le premier anniversaire de la guerre en Ukraine.

Pour comprendre cette insertion, il faut avant tout rappeler que cette liste noire vient sanctionner trois types d’écueils, définis dès 2016. En premier lieu, on y trouve les Etats appliquant une concurrence fiscale dommageable, en cherchant à attirer les investissements étrangers par des mesures fiscales incitatives et qui peuvent entrer dans le champ des dispositifs anti-abus des autres États. Au rang de ceux-là on trouve les Iles Marshall, qui offrent un taux d’impôt à 0% en plus de n’exiger aucune substance ni nexus aux opérations enregistrées sur son sol. En second lieu, on trouve les Etats opaques, qui ont failli au devoir de transparence à l’égard des Etats de l’UE, le plus souvent en empêchant les mécanismes d’échange d’informations, ou tout simplement en bloquant les relations diplomatiques. Depuis 2020, une troisième catégorie a vu le jour, en sanctionnant les Etats ou territoires qui refusent la mise en œuvre des mesures issues du programme BEPS de l’OCDE, et qui visent précisément à lutter contre l’érosion des bases taxables et l’évasion fiscale internationale.

Le durcissement des relations entre la Russie et le Conseil, en plus de ses réformes intervenues en 2022 à l’égard des sociétés holdings étrangères en réaction aux sanctions internationales ont précipité la Russie dans la seconde catégorie de paradis fiscaux. Le Conseil de l’Europe déplore ainsi que la Fédération de Russie n’a pas respecté son engagement de modifier l’évaluation du traitement des revenus de la propriété intellectuelle et des dispositions relatives aux droits acquis des holdings étrangères.

L’annonce ne doit pas passer pour anecdotique. L’article 238-0 A, 2 bis du CGI étend en effet à cette liste noire les mêmes effets fiscaux que ceux réservés à la liste française des Etats et territoires non coopératifs (ETNC). Sans tomber dans l’écueil d’une liste à la Prévert, plusieurs thématiques doivent alors être impérativement portées à la connaissance de tout contribuable lié par des relations capitalistiques, économiques ou financières avec un ou plusieurs partenaires soviétiques.

PRIX DE TRANSFERT

Dans la mesure où la Russie est désormais réputée être un Etat non coopératif, toute entreprise russe engagée dans des transactions avec une entreprise française est considérée comme liée au sens de l’article 57 du CGI. Cela déclenche donc mécaniquement toutes les obligations propres à la matière, en particulier le fait de devoir justifier du caractère de pleine concurrence des flux devenus intragroupes, en plus de rapporter ces flux au titre de la documentation des prix de transfert et du formulaire 2257-SD si les seuils financiers sont dépassés.

Une première incongruité se pose alors déjà : si l’entreprise russe était jusqu’alors un vrai tiers, c’est-à-dire non lié au sens des articles 57 et 39-12 du CGI, alors les relations qu’elle entretenait avec le contribuable français étaient nécessairement de pleine concurrence.

Dorénavant, cette démonstration devra être rapportée par le biais d’analyses économiques, telles des recherches de comparables sur des bases de données spécialisées. Lorsque l’on connaît la subjectivité attachée à ces analyses, couplée aux courants prétorien et administratif actuels qui militent pour l’utilisation des méthodes de marge nette et le recours à la médiane des intervalles de comparables, il est tout à fait possible que d’un caractère de marché, la transaction soit désormais perçue comme anormale.

Une seconde incongruité nait sur le terrain de la documentation. Si l’entreprise russe est considérée comme une partie liée, et que les seuils prévus à l’article L13 AA du LPF sont dépassés, le contribuable français devra alors pouvoir une documentation complète de ses prix de transfert. Là encore, le contribuable français alors pourrait se retrouver dans une situation absconse, où il deviendrait tenu de produire la documentation formelle calquée sur le modèle OCDE non pas en raison des seuils observés à son niveau, de ses actionnaires ou ses filiales, mais en raison de la dimension de son partenaire russe.

Qui plus est, la doctrine administrative prévoit explicitement que « lorsque des transactions de toute nature sont réalisées avec une ou plusieurs entreprises associées établies ou constituées dans un État ou territoire non coopératif au sens de l’article 238-0 A du CGI, la documentation visée à l’article L. 13 AA du LPF comprend également, pour chaque entreprise bénéficiaire des transferts, une documentation complémentaire comprenant l’ensemble des documents qui sont exigés des sociétés passibles de l’impôt sur les sociétés, y compris le bilan et le compte de résultat établis dans les conditions prévues par l’article 102 U de l’annexe II au CGI et l’article 102 V de l’annexe II au CGI ». Cela ferait donc en plus porter sur le contribuable français l’obligation de produire des informations comptables et financières d’une entreprise capitalistiquement tierce, sous peine de supporter des pénalités.

Il est donc essentiel de briser l’automaticité du lien de dépendance causé par l’inscription de la Russie sur la liste noire. Sur ce point, nous rappellerons que depuis la réserve d’interprétation du Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2014-437 (QPC du 20 janvier 2015), le contribuable dispose de la possibilité de faire usage de la clause de sauvegarde pour démontrer la réalité des opérations réalisées en Russie. On peut espérer en ce sens que l’administration fera preuve de pragmatisme, et que dès lors que le contribuable démontre l’antériorité et les caractéristiques des transactions jusque-là effectuées avec le tiers russe, l’exception tenant à la condition de dépendance de l’article 57 tombe par la même occasion.

NON-IMPUATION SUR L’IS DES RETENUES A LA SOURCE

Conformément aux dispositifs combinés du CGI et de la doctrine administrative, la personne morale établie en France peut imputer sur l’impôt sur les sociétés dû en France les retenues à la source supportées par l’entreprise ou l’entité étrangère sur des dividendes, des intérêts ou des redevances provenant d’États ou de territoires tiers et imposables dans le chef de la personne morale française. Cette possibilité est cependant soumise à deux conditions : l’existence d’une convention fiscale d’élimination des doubles impositions ; et que l’État ou le territoire duquel proviennent ces revenus ne soit pas considéré comme non coopératif au sens de l’article 238-0 A du CGI.

L’inscription de la Russie sur la liste noire conduit donc mécaniquement à ce que l’imputation sur l’IS français des retenues à la source supportées par la société étrangère soit désormais impossible. Cela génère donc une double imposition économique d’un même revenu, affectant à n’en pas douter la rentabilité des entreprises et les forçant très certainement à revoir leurs conditions contractuelles.

LE DURCISSEMENT DE LA DEDUCTIBILITE DES CHARGES EN FRANCE

Enfin, on citera une troisième conséquence significative liée à l’inscription de la Russie sur la liste noire. Désormais, les charges engagées par une entreprise française au titre des sommes payées à un partenaire russe ne pourront plus, sauf exception, être déduites du résultat en France.

Conformément aux troisième et quatrième alinéas de l’article 238 A du CGI, la règle vaut que le bénéficiaire russe soit ou non soumis à un régime fiscal privilégié.

Il est à noter en outre que la non-déductibilité s’applique également à tout versement effectué sur un compte tenu dans un organisme financier établi en Russie.

Sur ce point, on notera que le périmètre des charges visées est large, en couvrant « les intérêts, arrérages et autres produits des obligations, créances, dépôts et cautionnements, les redevances de cession ou concession de licences d’exploitation, de brevets d’invention, de marques de fabrique, procédés ou formules de fabrication et autres droits analogues ou les rémunérations de services ». Une exception tient cependant aux intérêts dus au titre d’emprunts conclus avant le 1er mars 2010 ou conclus à compter de cette date mais assimilables à ces derniers.

Pour celles-ci, le principe de non-déductibilité ne s’applique pas, et ces charges restent déductibles dans les mêmes conditions que celles qui sont versées dans des États ou territoires dits « coopératifs ».

Là encore, le contribuable peut toutefois faire application de la clause de sauvegarde et faire échec à la règle de non-déductibilité des charges en apportant une double preuve : d’une part, il doit prouver que les dépenses correspondent à des opérations réelles et ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré. D’autre part, il doit démontrer que les opérations auxquelles correspondent ces dépenses n’ont pas principalement pour objet et effet de permettre la localisation des dépenses dans un ETNC. Si cette seconde condition peut sembler aisée à rapporter, la première fait renaître la complexité abordée plus haut en matière de prix de transfert. En effet, si le partenaire russe est désormais considéré comme une partie liée au sens de l’article 57 du CGI, alors le caractère « normal » de la transaction devra découler d’une analyse de pleine concurrence.

APPLICABILITE

Conformément au CGI, les mesures fiscales restrictives nouvellement applicables envers les intérêts Russes s’appliquent à compter du premier jour du troisième mois qui suit la publication de l’arrêté, c’est-à-dire au cas présent, à compter du 1er mai 2023. Il est donc urgent pour les entreprises françaises engagées dans des transactions économiques et financières avec des partenaires établis en Russie d’évaluer les flux potentiellement à risque, et les effets des frottements fiscaux qui en découleraient. Reste à savoir quel degré de tolérance sera adopté par l’administration fiscale dans l’appréciation des situations qui lui seront révélées à l’occasion des contrôles fiscaux.

L’auteur souhaite remercier Alison SERRIERE, élève avocate, pour son aide dans les recherches effectuées.